Petites réflexions à propos de tout et de rien sur comment vivre au 21ème siècle en dédramatisant autant que possible presque tout sans quoi la vie serait rapidement étiquettée comme éphémère à plusieurs niveaux

mardi, septembre 12, 2006

L'histoire de Sarto Sansoucy, chapitre 1

Pas très grand. Passablement nonchalant. Et à la limite, plus ou moins intelligent. Mais bon vivant. C’est à peu près là le seul compliment qui puisse émerger d’une première rencontre hasardeuse passée en compagnie de Sarto Sansoucy, enfoui quelque part au milieu d’un corps hypothétiquement négligé, résultat évident de l’adoption par son propriétaire d’un comportement directement lié à son nom de famille. Car il est vrai que notre bonhomme n’a guère de soucis. Pas plus d’éducation. Ses onze années passées sur les bancs d’école avaient tôt fait d’être inconsciemment effacées par les dix suivantes, où il accumulait depuis, l’un après l’autre, les emplois au salaire minimum. Il avait bien aimé celui de commis de dépanneur. Ou encore celui où sa seule et unique tâche se résumait à être assis sur une banquette d’un Tim Hortons, à compter le nombre de personnes qui entraient et sortaient du restaurant. Mais celui qui l’avait rendu le plus heureux et l’avait même fait rêver un soir de mourir en service tellement il aimait cet emploi, c’était lorsqu’il avait déniché, grâce à l’ami d’un ami, le poste de livreur pour une fabrique de serviettes à main. De napkins en bon français. Les trois mois les plus beaux de sa vie…

Parce que Sarto Sansoucy a en effet deux passions. Les Records Guiness et les napkins. La première, vous l’aurez peut-être deviné, aura eu pour effet de rapidement conduire à la deuxième, à un moment donné de son existence. Selon lui, son mode de vie plutôt sédentaire en dehors du travail (pour ne pas dire littéralement casanier) possède plusieurs avantages, qu’il se plait parfois à énumérer à la première personne qui l’interroge relativement aux centaines de napkins qu’il trimballe chaque jour avec lui. Il avoue alors fièrement que c’est grâce à ses nombreux temps libres qu’il peut feuilleter allègrement le livre des Records Guiness presque six heures par jour, ouvrage qu’il qualifie par ailleurs de sacré, poussant parfois sa chance à le comparer à la Sainte Bible. Toujours est-il que c’est en lisant son livre fétiche que Sarto a découvert que Ray et Eileen Park d’Australie possédent la plus grosse collection de pèse-personne au monde, soit 2549. Que Derryl Ogden des Etats-Unis revendique le très prestigieux titre de plus grand collectionneur de cravates au monde, avec 16 055. Et que Walter Cavanagh, une Américain celui-là aussi, jouie de la plus grande collection de cartes de crédit valides avec un spectaculaire total de 1397. Bref, une belle brochette de champions célèbres. Quiconque aimerait mettre Sarto Sansoucy hors de lui n’a qu’à mettre en doute ses connaissances relatives aux records Guiness ; s’en suivrait sur-le-champ un marathon effréné où statistiques et exactitude finiraient par avoir raison du challenger et accrocherait dans le visage de notre demi-mesure un sourire de vainqueur.