L'histoire de Sarto Sansoucy, chapitre 2
C'est parce qu'il voue un culte aux records de toutes sortes qu'un bon matin Sarto Sansoucy a décidé, après avoir mangé deux grilled cheese au beurre pour déjeuner, de tout mettre en oeuvre pour que son nom soit immortalisé un beau jour à l'intérieur des pages de sa Bible à lui. À cette époque, il rêvait parfois de voir son nom écrit en caractère gras, à côté de celui de Shridhar Chillal, cet indien incroyablement occupé, qui revendique depuis des lunes le record de l'homme aux ongles les plus longs les plus sales du monde entier. Sarto s'imaginait en train de faire homologuer un record inédit, en direct à la télévision nationale, du genre "le premier homme étant parvenu à retenir sa respiration, nu, à -25° celsius, pendant qu'il interprétait la 9ème symphonie de Beethoven au piano, avec seulement 2 doigts, de la main gauche, en étant droitier de naissance". Il avait ça, ce sens inné du spectacle et du dépassement de soi... dans la tête.
Mais la réalité l'avait vite fait réaliser qu'il n'en serait jamais... Premièrement, il était incapble de respirer la bouche fermée. Deuxièmement, en plus d'être pudique, il prenait presque en permanence sa douche en costume de bain. Et troisièmement, il ne savait pas plus jouer du piano que différencier sa main gauche de la droite sans d'abord y réfléchir en se fermant les yeux pour s'imaginer en train de s'essuyer sur le trône, pour finalement conclure que sa main gauche était celle qui sentait un peu plus que l'autre... Mes notre homme n'était pas un lâcheur ; voilà là une autre qualité que n'importe qui apprenait à lui attribuer après s'être découragé à essayer en vain de lui faire changer d'avis concernant la possibilité éventuelle de l'existence de la planète des singes. Sarto savait donc que si ses capacités humaines de pauvre petit mortel ne lui suffisaient pas à entrer dans l'histoire des Records par la porte d'en avant, il pourrait tôt ou tard décider de faire autre chose de tout aussi valorisant en soi et ainsi peut-être espérer y entrer par la porte d'en-arrière.
C'est avec cette visée de grandeur que Sarto Sansoucy eut un jour la brillante idée d'arpenter le sol du célèbre dépotoir Grenier de son village natal à la recherche d'allumage mental pour son futur record. À temps plein, et ce pendant plus de deux semaines pleines de temps libre obtenues grâce à sa démission de la cafétéria de son ancienne école primaire, Sarto fouilla les catacombes et les amoncellements de déchets nauséabonds, en quête d'un signe du destin. Et ce signe, il l'obtînt enfin au bout de 8 heures de fouilles exaustives à 16h45, le 8 septembre 1997.
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